Dans les coulisses de la lutte à Granby
Samedi soir, le Centre sportif Léonard-Grondin s’est transformé en grand théâtre pour accueillir la jungle de la lutte! Non, le sport du regretté Édouard Carpentier n’est pas mort, il est même bien vigoureux à Granby. Avec la présentation de son gala annuel Up Rising, la Granby entertainment wrestling (GEW) a accueilli plus de 600 personnes pour son 10e anniversaire. GranbyExpress.com vous amène dans les coulisses de la lutte!
Sur le coup de 17h30, les véritables fans font leur entrée dans le hall de l’aréna. Plus de deux heures avant le début du gala, jeunes et moins jeunes en profitent pour bavarder avec leurs lutteurs favoris. Séances d’autographes, photos, vente de t-shirts, on se croirait dans un univers parallèle où les codes sociaux se résument à ceci: les gentils à une table, les méchants à l’autre table.
Tout juste à côté de la porte, l’un des kiosques les plus populaires est celui de la série Femme Fatales, une division féminine de lutte. Récemment, la Granbyenne Maggy Goyette, qui incarne le personnage de Kalamity a remporté la ceinture de championne. Un statut qui lui permet maintenant de se choisir les événements qui lui plaisent.
«Je ne me déplace plus si je n’ai pas quelque chose à aller chercher, soit pour affronter quelqu’un de qui je peux apprendre ou pour un cachet intéressant», mentionne celle qui a fait ses débuts à la GEW il y a 8 ans.
Pour Maggy, le «métier» de lutteuse lui permet d’abord et avant tout de visiter le monde! Elle a d’ailleurs vécu une belle expérience lorsqu’elle a été invitée à Chicago par la plus grosse fédération de lutte féminine Shimmer. «C’est la première fois que j’allais là et dès que ma musique a joué les gens se sont levés debout, ils savaient qui j’étais», raconte la jeune femme.
À ses côtés, Lufisto est la tête d’affiche en matière de lutte féminine. Ex-championne, celle qui monte dans le ring depuis 15 ans, vient tout juste d’être battue par son élève Kalamity.
«Il fallait que ça arrive, dit-elle. Il faut qu’il y ait des jeunes qui arrivent et il faut que les plus vieux se tassent!» Au cours de sa carrière, Lufisto a combattu aux États-Unis, au Mexique, au Japon et en Allemagne. «Au Mexique c’est une véritable religion. Quand on est invité là-bas, on fait des entrevues à la télé, des pages pleines dans les journaux», décrit celle qui réside tout près à Saint-Dominique.
Dans les premiers rangs de la longue file d’attente pour entrer à l’intérieur de la salle, Pierre-Olivier Chabot et Dominic Raymond sont fébriles. Ils sont des fans de la GEW et ont acheté leurs billets depuis longtemps. Tous les mois, ils assistent aux soirées dans le gymnase de l’école Haute-ville et l’événement Up Rising représente «la coupe Stanley».
«C’est drôle! Ça vaut n’importe quel show d’humour», lance Dominic pour expliquer son intérêt pour la lutte. Son camarade renchérit avec l’argument de la fausse violence. «C’est comme un film. Tout le monde sait que ce n’est pas vrai. Moi, je n’aime pas la violence, je n’aime pas la boxe et le MMA (arts martiaux mixtes). À la boxe, le but c’est de donner une commotion cérébrale à l’autre», explique celui qui vient de Saint-Hyacinthe pour suivre la GEW.
À l’extérieur de l’enceinte, un groupe d’une quinzaine de personnes porte des t-shirts noirs, de fausses chaînes à grosses mailles blanches et se sont fabriqué des affiches. Ils sont venus encourager «REAL» que certains s’amusent à surnommer «Réal». «C’est son dernier combat, alors on est tous venus pour lui», plaide son beau-frère qui dit assister à la lutte pour la première fois.
Celui qui incarne le personnage de REAL, c’est Benjamin Laliberté. Il est infographiste, vient de s’acheter une maison et veut devenir père de famille. «Je n’ai plus le droit de me casser la gueule maintenant», résume-t-il pour expliquer sa «retraite» de lutteur.
Son départ marque aussi le début d’une nouvelle ère à la GEW, car Benjamin est le dernier membre fondateur de l’organisation. «J’aimais beaucoup le théâtre à l’école. La lutte, c’est une façon de sortir le méchant en faisant de l’impro», considère celui qui a eu droit à une belle ovation pour ses adieux. Il s’est d’ailleurs payé une belle finale en donnant une raclée à l’équipe de Sexxxy Eddy et de Sexy Leon Saver!
Du délire!
«5, 4, 3, 2, 1! Wouhouuuu!» Dès le début du spectacle, c’est le délire dans le centre sportif. Entre 600 et 700 personnes sont massées autour du ring et dans la section centrale des estrades.
Combat à cinq lutteurs, bataille royale à 13, matchs par équipe, titres en jeu, les fans en ont pour leur argent côté diversité. Le combat final de la soirée sera même disputé dans une cage!
Si la lutte est un exutoire pour les combattants, elle l’est aussi pour le public. Chaque combat apporte sa raison de s’époumoner. Que ce soit pour crier un bon «tue-le» ou encore un bien senti «ost** de fakeux», il y a de quoi se défouler.
Les méchants en prennent d’ailleurs pour leur rhume comme Pitbull qui se fait traiter de «bichon maltais» ou encore le champion David Knox qui a droit à sa chanson «Knox c’t’une tap…».
À l’entracte toutefois, bon ou méchant, ça ne compte plus. Les fans se ruent à la table de Sexxxy Eddy qu’ils viennent pourtant de ridiculiser joyeusement. Encore en sueur, la vedette Franky the Mobster s’assure de n’oublier personne. Photos, poignées de main, autographes, mots d’encouragement, il ne néglige personne.
Trop de fédérations
Que l’on s’adresse à Patric Laprade, chroniqueur de lutte et administrateur du site Internet «Lutte.com» ou à Marc Blondin, animateur de lutte à RDS et promoteur de la TOW, l’impression est la même: il y a trop de fédérations au Québec.
«Il y a trop de fédérations de sous-sol d’église, trop d’amateurs qui donnent une mauvaise impression de la lutte», déplore Marc Blondin interrogé dans les coulisses du gala.
Patric Laprade soutient de son côté qu’il faut «faire la différence entre les vrais et ceux qui jouent à la lutte». L’expert compte une vingtaine d’associations de lutte indépendantes. «Ça fait diluer beaucoup le talent et ça donne un produit qui n’est pas équitable d’une fédération à l’autre», analyse-t-il.
Dans le portrait actuel de la lutte québécoise, la GEW occupe une place enviable selon les divers intervenants rencontrés. «Depuis que Sébastien Maltais s’occupe de la promotion, elle a gagné pas mal d’échelons», observe Patric Laprade.
Le vétéran lutteur Marc-André Boulanger qui incarne le rôle de Franky the Mobster, une rockstar dans le milieu de la lutte au Québec, a chaleureusement remercié le public pour l’accueil qu’on lui a réservé. Pour lui, la GEW est «l’une des bonnes organisations stables en ce moment».